TCA : Trouble du Comportement Alimentaire

Témoignage de Valérie face à son trouble alimentaire

Pour la première fois dans la rubrique dépendance vous allez découvrir une histoire… L’histoire d’une dépendante à travers un récit personnel jalonné de situations difficiles, éprouvantes et souvent répétitives, aboutissant à l'état de dépendance, conduisant insensiblement aux comportements à risque, ce que l’on appelle plus communément des « conduites à risque » ou « conduites addictives ».

Le récit de Valérie révèle de façon générale ce qu’elle était et comment elle est maintenant. Cher ami lecteur cette histoire authentique peut bousculer des frontières et vous comprendrez bien que les mécanismes de l’addiction ne sont pas « que » psychologiques.
C’est au cœur d’une famille formidablement dysfonctionnelle que Valérie a développé sa maladie et a dû apprendre à vivre avec ses démons.

C’est quoi un TCA pour vous Valérie ? Et de quel TCA souffrez-vous ?
On n'est pas « la sale grosse / le sale gros » qui se baffre et qui ferait mieux de faire un régime » etc, etc. J’ai tout simplement un TCA, c'est -à-dire un Trouble du Comportement Alimentaire ! Hé oui, ça vous étonne hein ?  
On les classe en plusieurs branches. L'anorexie et la boulimie sont ceux que tout le monde connaît. Mais il en existe d'autres, compulsion alimentaire, sous-alimentation, l'hyperphagie boulimique etc. L'Hyperphagie Boulimique est le trouble dont je suis atteinte. 
Comme j'aime à dire à ma psychiatre, ce qui la fait beaucoup rire : heureusement que je suis hyperphage, car au prix où est la nourriture, si je me faisais vomir, ça serait vraiment gâcher et jeter l'argent par la fenêtre ! Un trait d'humour, pour cacher ma souffrance !  
Ce trouble consiste à ingurgiter, jusqu'à l'inconfort total, une TRÈS TRÈS grosse quantité de nourriture en TRÈS TRÈS peu de temps, à TRÈS TRÈS vive allure, à une période bien précise et ce, entre les repas.  
On a un rituel : on se cache – on mange en général des produits du même acabit (pour moi ce sont des produits sucrés, de la pâte à tartiner etc.) – on met soit un bruit de fond (tv, musique) soit on se met au calme – on est dans un état de transe. On s'en veut terriblement après une crise. On se dégoûte, on se hait, on a une aversion totale de son corps. Une grande majorité d'entre nous a une nouvelle crise quelque temps après. On est dans une perte de contrôle totale. 
L'hyperphagie entraîne le surpoids, l'obésité. Elle est détectée à l'âge adulte en général. Elle touche entre 3 et 5 % de la population. Mais les formes les plus sévères sont détectées jeune, voire très jeune. 
A savoir que les hyperphages font des repas, pour la quasi-totalité, normaux et équilibrés. 

Pourriez-vous nous dire comment vous êtes devenue hyperphage boulimique ?
Comment suis-je devenue hyperphage boulimique ? … Enfant ?  
Enfant, de 6 à 14 ans, j'ai vécu ce qu'un enfant ne devrait pas vivre, à savoir des actes de pédophilie.  
De mes 6 à 8 ans, tous les dimanches, nous passions la journée chez la sœur de ma mère et tous les dimanches nous y soupions. Tous les dimanches soir, j’allais avec mon oncle chez sa mère, chercher un bout de pain, une bouteille de vin ou autre. Avec lui on parlait, il s’intéressait à moi. Un dimanche soir, ce fut différent. Il m’a demandé de marcher devant lui. J’étais collée contre son ventre, ses bras autour de mes épaules, bien au chaud. Ce soir-là je me suis sentie importante, j'avais l'impression qu'il me protégeait car il sentait que j'avais peur. Et c’est à partir de ce dimanche soir, que cela devint une habitude. Mais son attitude allait changer au fil du temps. Ses mains ont commencé à descendre sur ma pseudo poitrine, mon gras ai-je envie de dire. Je ne me souviens plus s’il malaxait ou simplement effleurait, je me rappelle juste ses mains, ses mains sur moi, ses mains et moi. Je sentais une boule entre mes omoplates. Tout ce que je sais, c’est qu’à ce moment-là j'ai mangé plus. Et pourtant, tous les dimanches malgré mes peurs et mes angoisses, je continuais à aller avec lui. En plus de ses mains, il me faisait des bisous sur le crâne. Tout mon corps et tout mon être criaient au secours. Mais personne pour entendre ! Pourquoi mes parents ne comprenaient pas ?  
Puis du jour au lendemain, plus de repas dominical, tout s’est arrêté. La famille s’est-elle disputée ? Je ne sais. Je sais simplement que mon calvaire s’est arrêté. Mais pas mes goinfreries quotidiennes.  
J’ai 8 ans. Je pèse 65 kilos. Oui, un 6 et un 5. Quel chiffre ! Je me remplissais, me vidais, me remplissais pour me vider à nouveau. Mais je continuais car cela me rassurait (attention, ce n’était pas un rituel programmé, c’était simplement une réaction de mon corps quand il avait un trop plein). Vous aurez donc compris que la nourriture était devenue une addiction qui 42 ans après est toujours présente. Elle s’endort pour se réveiller lorsque je perds pied, lorsque je ne comprends pas ou plus. Une sorte d’auto-défense qui ne me protège pas mais me bousille, me détruit. 
Mes crises ont toujours été à compter de 16h30 et de mets sucrés. Principalement les biscuits et le chocolat. Je volais des paquets et plaquettes et j'en achetais avec mon argent de poche. Il fut arrivé que je vole de l'argent dans le porte-monnaie de ma grand-mère pour aller au magasin acheter des « bi-choco », des bonbons (chiques pour nos amis Belges). 
Je change d’école et passe tous mes mercredis, toutes mes soirées chez mes grands-parents paternels. Durant 6 longues années, je subis des actes de mon oncle qui a 4 ans de plus que moi qui de son côté découvre la puberté. Au départ, il me caressait puis il a commencé à aller plus loin, jusqu'aux viols répétés. Je n'ai jamais pu en parler si ce n'est aujourd'hui via un livre, que je finalise et qui, je l'espère sera publié d'ici quelques mois.  
Je me baffrais, m'emplissais en espérant le dégoûter. Mais là mes vidanges ont cessé. Je n'y arrivais plus. Ça me dégoutait de mettre mes doigts et vous comprenez pourquoi ; mes allers / retours aux toilettes étaient impossibles car suspects.  

Le cache-cache des addictions, une addiction peut-elle en cacher une autre ?
Comme dit, à 14 ans, j'ai été délivrée de mon bourreau car mes parents m'ont acheté une mobylette pour que je rentre chez moi au lieu d'aller chez mes grands-parents. Là, d'autres addictions sont arrivées (drogue et alcool) et de 90 kg que la balance avait affichés mon poids a chuté pour atteindre 45 kg. Mes crises ont disparu du jour au lendemain durant 12 ans. Pour quelles raisons, je ne saurais le dire, mais elles se sont volatilisées comme par enchantement !  
Puis un jour, la Fée Carabosse, après un désir de sevrage de la cocaïne, l'hyperphagie a dit : Val, je suis là ! 

Pourriez-vous prévenir vos crises ? En connaissez-vous les mécanismes ?
Je me rappelle, aux infos, l'affaire Dutroux. Et là, bim, bam, boum. Les bâfreries ont repris. Mon sevrage à la cocaïne a débuté, mes crises hyperphagiques sucrées et salées en cachette de mon ex-mari ont débuté. Je n'avais pas à l'époque, mes enfants. Donc c'était très simple pour moi. Des croissants, des pots de pâte à tartiner avec des gros pains, des plats de lasagnes, des chips et j'en passe. Tout cela en 30 mn. Puis le soir, les apéros avec les biscuits apéros, puis le dîner, puis les desserts (car 1 ne me suffisait pas). J'emplissais ce gouffre béant. Jamais rassasiée. J'hurlais. De 90 kg, la balance a affiché 107 kg. Elle ne les a quittés que durant mes grossesses. Les crises ont été plus ou moins violentes, ont même parfois cessé durant 1 an ou 2, mais une chanson, une affaire de pédophilie à la tv et paf, elles réapparaissaient.  Aujourd'hui, elles sont toujours là. Moindre certes, mais elles sont là. Elles me collent à la peau comme mes tatouages. Elles ne sont pas aussi fortes, mais elles sont bien présentes.  Elles sont mes amies, je les aime autant que je les hais.  

Comme nous l’explique Valérie lors de cette interview, différentes leçons sont à retenir, cependant l’espoir existe pour de nombreux dépendants ou poli-dépendants. Nous nous sommes rapprochés de nombreuses personnes pour écrire la fin de l’histoire afin d’ouvrir la porte des possibles que j’aime à nommer espoir. OUI, l’espoir et le rétablissement existent vraiment. Pour beaucoup d’entre eux, les thérapies brèves dites TTC et les groupes de paroles Anonymes ont été dans grand secours, laissant une place non pas à la guérison, mais au rétablissement. 
Notre phrase de fin : juste pour aujourd’hui, je vais bien parce que je l’ai décidé.
Une des solutions : vous n’êtes plus seul(e) !
Quel que soit votre problème avec la nourriture…
Compulsion alimentaire, sous-alimentation, addiction, anorexie, boulimie, hyperphagie, compensation par le sport ou les laxatifs, etc.
OUTREMANGEURS ANONYMES est une Association d’hommes et de femmes 
qui partagent leurs expériences personnelles, leur force et leur espoir, 
dans le but de se rétablir de la compulsion alimentaire.

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