Le doomscrolling, une pratique quotidienne inquiétante

Très en vogue mais mauvaise pour la santé mentale, le doomscrolling gagne du terrain et prend de l’ampleur chez les ados !

Anxiété face aux médias, une manière dysfonctionnelle de gérer un stress psychologique.
Peut-être, faites-vous parti de ces personnes qui pratiquent sans le savoir le « doomscrolling ».
Le  « doomscrolling » est un concept relativement nouveau qui a attiré une attention considérable ces dernières années dans les recherches sur la santé mentale.
Nous nous sommes pour se faire, rapprochés de Nathalie B thérapeute en TCC et psychothérapeute spécialiste des addictions, afin d’élargir notre champ d’horizon quant à une pratique qui semble être très généralisée.

FM : Nathalie pourriez-vous nous expliquer qu’est-ce que le « doomscrolling » ?
Nathalie B :
 vous l’avez sûrement deviné le mot « doomscrolling » vient de la contraction des termes anglais « doom » signifiant morbide et « scrolling » signifiant défilement. Traduire de façon littérale le terme « doomscrolling » est quasi-impossible ceci-dit ! 
Celui-ci désigne le fait de faire compulsivement défiler des contenus sur notre portable ou sur notre PC. On peut le traduire par : « défilement morbide ». Deux chercheurs de United States National Library of Medicine aux Etats Unis ont conceptualisé le « doomscrolling » comme "un balayage habituel et immersif des informations négatives opportunes sur les fils d'actualité des médias sociaux". Il se caractérise notamment par une recherche avec ou sans but précis et une focalisation excessive sur les informations négatives. 

Le « doomscrolling » consiste à faire défiler des articles de presse négatifs, des publications sur les réseaux sociaux ou d'autres plateformes de partage de contenus. Essentiellement, il s'agit de lire une histoire négative après l'autre. Une étude canadienne a même qualifié ce phénomène de « panique des médias sociaux ».
 Il faut dire que les internautes de nos jours sont aidés pour accéder très vite à ce genre de contenus, tant l’algorithme des réseaux sociaux est étudié en ce sens. « Les algorithmes des réseaux sociaux mettent l’accent sur la négativité, ce qui amène notre corps à produire des hormones de stress comme l’adrénaline et le cortisol ». Malheureusement, je constate que le mauvais stress et donc l’anxiété s’installe insensiblement et rapidement d’un individu à l’autre.

FM : Comment ce phénomène s’est insidieusement installé ?
Nathalie B :
il est important de rappeler le contexte entre le Covid, l’Ukraine et le climat... un contexte propice à l'anxiété et à la dépression.
Vous savez chaque personne est très différente, imaginez que nous ayons deux groupes de personnes le Groupe A et le Groupe B.

Dans le groupe A, face à l'actualité difficile, les personnes ont arrêté de regarder les infos, parce que le flux d'informations est devenu trop anxiogène. Dans ce groupe, certains ont décidé de se couper des médias pour une question de survie.

Dans le groupe B, de nombreuses personnes passent leur temps, parfois dès le réveil, à scroller sans but sur leur smartphone. À l’affût de nouvelles informations souvent négatives, tristes ou anxiogènes, dont le but est d’être informé sur les évènements actuels et d’obtenir le maximum d’informations sur le sujet qui leur tiennent à cœur.

FM : Pourriez-vous dire que cela a un impact sur la santé mentale ?
Nathalie B :
malheureusement pas seulement sur le mental… Le « doomscrolling » provoque aussi des réactions hormonales comme l’adrénaline ou le cortisol. Ce mécanisme évolutif permet de libérer dans le corps un cocktail d’hormones pour nous aider à faire face à une situation dangereuse, en boostant momentanément nos capacités physiques.
L’activation dans la durée ce mécanisme peut mener à un épuisement chronique, des troubles digestifs, cardiaques, anxieux ou une hypertension artérielle. Les conséquences sur la santé mentale peuvent être néfastes, surtout chez les jeunes.

Le « doomscrolling » toucherait plus de personnes qu’on ne l’imagine. D’après une étude menée par Bryan McLaughlin pour l’université de technologie du Texas, analysée dans le Guardian, 27% des personnes interrogées ont signalé des niveaux de consommation d’actualités « modérément problématiques » et 17% souffrent d’un niveau « très problématique ». Parmi ce niveau le plus sévère, 74% ont déclaré avoir des problèmes de santé mentale et 61% ont signalé des problèmes physiques.
Faire défiler des actualités tragiques toute la journée peut éroder notre santé mentale, c’est évident. Cependant regarder les informations en boucle sur nos téléviseurs donne les mêmes résultats. 
Je trouve incroyable comme les médias s’emparent d’un sujet désormais pour le rendre le plus tragique possible. Cette guerre de l’audimat présente sur les réseaux sociaux aussi, n’arrange pas les choses. Pour en revenir à la santé mentale, le lien entre les informations anxiogènes et l’anxiété peuvent s’apparenter à une forme d’addiction. Il est de nos jours tout à fait prouvé que le stress peut conduire à des conduites addictives quel quelles soient. Pour moi le « doomscrolling » est une forme de cyber addiction où l’intention est centrée sur le besoin d’amplifier et d’alimenter ce stress.

FM : Mais alors, il y a-t-il une issue ?
Nathalie B : Bien évidemment ! Le fait de dépendre davantage des médias sociaux que de soi-même pose un énorme problème. Réapprendre à devenir soi en se détachant des médias, cela peut se faire progressivement grâce aux thérapies brèves dites TCC.
Dans le monde actuel, il est très difficile de séparer les êtres humains de leurs nombreux appareils électroniques. L'utilisation d'appareils a progressivement commencé à envahir le monde et ce n’est pas près de s’arrêter. Réapprendre à vivre est une solution où s'adapter peut être salvateur. Il est d’une grande évidence qu’alimenter les peurs, reste parfois le propre de l’humain. Et c’est de ces peurs qu’il faudra apprendre à se défaire grâce à une thérapie brève.